ESPACEMENTS – QUADRAPHONIC

Espace Commines, 9 juillet 2019, Quadraphonic par Mio Chareteau.

Enfant, je passais mes étés chez ma tante, à Ogikubo, un quartier de Tokyo. Je me rappelle du rituel matinal qui consistait à ouvrir les shoji, parois dont le matériau principal est le papier, et les amado, volets en bois coulissants. La lumière du jour entrait alors graduellement dans la pièce. La superposition des parois créait différents degrés d’opacité, et la journée commençait réellement lorsque tous les panneaux étaient écartés. Le shoji, singulier objet architectural est un symbole de la cohabitation entre tradition et modernité. Cher à Junichiro Tanizaki qui en fait la louange dans son récit L’éloge de l’ombre1, il étonne aujourd’hui encore par son aspect pratique et par la friabilité de son potentiel isolant. Si il divise bien les espaces, il est en partie perméable aux sons et à la lumière. Une particularité que l’on retrouve dans des réalisations architecturales japonaises à la pointe de l’actualité, comme les maisons de l’architecte Sou Fujimoto2, dans lesquelles la notion d’ouverture et de transparence l’emporte sur celle de cloisonnement.

Lors de l’événement Quadraphonic, quatre musiciens s’installent dans les différents espaces créés par l’installation de Quentin Lefranc. Tandis qu’ils activent les performances Play et The Field Drum Suite de Mio Chareteau, se révèle un espace sonore qui joue avec les profondeurs et la perspective. Grâce aux différents degrés de visibilité des panneaux, l’espace partiellement cloisonné questionne la présence et la disparition des performeurs.

Mio Chareteau

1 Junichiro Tanizaki, Inei raisan (L’éloge de l’ombre), 1933
2 Sou Fujimoto, House NA, 2011

Le 9 juillet Mio Chareteau a présenté deux performances activées par les musiciens : Alexandre Babel, Louis Delignon, Charles Gillet, Guillaume Lantonnet. L’entre actes a été marqué par une nouvelle mise en place des plans dans l’espace.

Performance 1 : The Field Drum Suite (25 min)

“La pièce pour quatre caisses-claires The Field Drum Suite est une oeuvre musicale qui peut se confondre avec une oeuvre picturale. Les quatre percussionnistes parcourent la peau d’une caisse-claire avec une baguette dont l’extrémité est un marqueur. Au fil de leur jeu régulier la peau se noircit progressivement. Les baguettes recouvrent ainsi toute la surface de l’instrument et révèlent de subtiles variations de timbres et d’harmoniques.”

Performance 2 : Play ( 7 min) 

“Le performeur traverse l’espace en tirant une bande magnétique sortant d’un lecteur/enregistreur. Sur la bande a été enregistrée une composition inspirée par le lieu dans lequel se déroule la performance. La cadence de lecture ordinairement orchestrée par l’appareil de façon linéaire l’est ici par le déplacement et les gestes. La maladresse du mouvement humain en regard de l’automatisme de la machine crée des intervalles des rapports de vitesse inexacts qui altèrent la retransmission initiale des passages conservés sur la bande magnétique. A mesure que celle-ci défile, elle se dépose sur le sol en matière muette n’évoquant rien de plus que le passage du corps en regard de celui du temps.”

Un remerciement particulier à l’espace commines.
Affiche : Marine Jezequel
Photo : Molly SJ Lowe